Généralités sur le Mercantour


Faune   Flore   Lacs   Exploration   Paysages   Bibliographie


Le parc naturel du Mercantour est le plus récent des trois parcs nationaux des Alpes françaises (les autres étant la Vanoise et les Ecrins); il est jumelé depuis 1987 avec le parc naturel de l'Argentera, qui le prolonge au delà de la frontière italienne. L'Argentera était depuis longtemps déjà une réserve royale de chasse, donc une zone plutôt préservée.

Faune

Sa faune est très riche en chamois (plus de 6000), que l'on rencontre très facilement (surtout en hiver et au printemps, lorsque la neige les oblige à chercher leur nourriture en basse altitude). Le chamois est un animal agile; ses pattes comportent un morceau de peau qui lui permet d'évoluer avec aisance dans la neige. Les chamois vivent en groupe, à l'exception des jeunes d'un peu plus d'un an (les "éterlous" ou "éterles", suivant que l'on parle des mâles ou des femelles) qui viennent de quitter leur mère, et vivent seuls.
Les mouflons, réintroduits à partir de Corse, y pullulent également, mais ne se laissent pas approcher par l'homme. Le mouflon est un ancêtre du mouton domestique.
Les bouquetins sont eux plutôt rares (pour le moment, ils ne prospèrent qu'en Vanoise). Leur réintroduction a été très difficile: commencée en 1920 dans le versant italien, sur ordre du roi Victor Emmanuel III, les premiers couples n'ont pas survécu et il a fallu réitérer l'expérience à de nombreuses reprises. Le bouquetin est un animal assez grand et lourd (de l'ordre du quintal), son agilité dans les rochers est époustouflante (un système de doigts articulés leur permet d'être encore plus performants que les chamois, sauf sur terrain ennneigé). Le bouquetin est assez volontiers familier, ce qui avait largement favorisé la tâche d'extermination des braconniers.

Plusieurs milliers d'espèces de papillons, nombreuses en voie de disparition.

Il est très courant de voir, et encore plus d'entendre les marmottes (qui sifflent pour se prévenir des dangers). La marmotte passe l'hiver en hibernation.
L'hermine est plus rare, et très furtive; elle change de couleur avec les saisons, comme le lagopède (ou perdrix des neiges). Celui-ci se confond parfaitement avec le paysage, ce qui fait que l'on passe souvent à sa proximité sans le voir; de plus, il ne s'enfuit d'un vol lourd qu'au tout dernier moment. D'autres oiseaux remarquables, notamment, le gypaete barbu réintroduit récemment, appelé aussi "casseur d'os" en raison de son habitude de lâcher des os en vol pour qu'ils se fracassent sur les rochers et rendent leur moelle accessible. Exclusivement charognard, le gypaete ne s'attaque à aucun animal vivant.

Le loup habite à nouveau le Mercantour depuis le début des années 90; il est possible qu'il soit revenu de lui-même à partir de l'Italie, bien qu'il n'y ait aucun loup durant des centaines de kilomètres. Depuis, sa population s'est largement développée et il a désormais gagné d'autres massifs des Alpes.

Le retour du loup a entraîné de nombreuses et violentes protestations.

Parmi les opposants au loup, on retrouve bien sûr les chasseurs. Il est clair que ceux-ci n'apprécient pas la concurrence que leur fait ce prédateur: ils aimeraient être les seuls à pouvoir tuer à discrétion les animaux sauvages.
On ne saurait accorder beaucoup de crédit aux revendications des chasseurs, tant ceux-ci, en France, font continuellement preuve d'extrémisme dans leurs revendications et d'abus de pouvoir sur les hommes politiques. Si l'on avait suivi les fédérations de chasse, alors, le parc du Mercantour n'aurait jamais été créé. Et le milieu rural, auquel ils prétendent généralement être attaché, ne s'en serait pas mieux porté: le tourisme "vert", la randonnée, la découverte pacifique de la nature entraînent bien plus de vie dans les villages, et de retombées économiques, que la perpétuation des pratiques de chasse.

Les arguments des bergers sont par contre beaucoup plus sérieux (bien que les mêmes personnes puissent être à la fois "bergers" et "chasseurs"). Les moutons constituent des proies très faciles pour les loups, et ceux-ci ne se privent pas d'en profiter. Si le loup prélevait de temps en temps quelques moutons pour se nourrir (comme le fait le lynx), cela ne poserait pas de réel problème. La réalité est hélas très différente. Lors des attaques, le loup tue, blesse, mutile et terrorise un très grand nombre de moutons, bien au delà de sa consommation alimentaire. Le stress extrême causé par ces attaques entraîne l'avortement des brebis, des blessures et des décès indirects (chute dans des ravins notamment).

On peut s'étonner de ce comportement "dégénéré" du loup, cette abondance d'actes de cruauté gratuite, alors que la véritable attitude de prédation devrait se limiter à tuer des animaux pour se nourrir. Il ne faut pas exclure que les loups du Mercantour soient, pour beaucoup, passablement hybridés avec des chiens errants (eux mêmes déjà responsables d'attaques depuis longtemps), et avec des chiens de fermes isolées. On ne peut pas non plus exclure que certaines personnes aient délibérément fait couvrir leur chienne par des loups pour relâcher ensuite les descendants dans la nature.

On cherche naturellement comment empêcher ces attaques. Cela est hélas très difficile, car le relief est tel que les moutons sont généralement élevés en petits groupes isolés et non gardés. Prévoir un berger pour chaque groupe d'ovins ne serait pas viable économiquement, et de toutes façons, les bergers ne suffisent pas toujours à empêcher les loups d'attaquer. Prévoir des chiens de garde est moins coûteux, mais il faut des animaux robustes et courageux capables d'affronter une meute de loup. Ces chiens existent, ce sont les patous des Pyrénées. Deux patous suffisent amplement à garder un troupeau: le loup, qui pèse environ la moitié des 80kg de ce chien, a intérêt à s'enfuir vite s'il ne veut pas être massacré par les chiens. Hélas, le patou est un animal tellement consciencieux qu'il attaque tout ce qui peut ressembler à une menace pour les moutons; y compris les paisibles randonneurs qui passent à proximité des troupeaux, et paniquent parfois en voyant les gros chiens foncer sur eux (jetant des pierres ou agitant leurs bâtons, ce qui ne fait en réalité qu'accroître l'agressivité des chiens).

Flore

En basse altitude, les feuillus dominent largement: hêtres, chènes pubescents (c'est à dire, avec des poils). A mesure que l'on s'élève, ils cèdent la place aux conifères (la transition se fait aux alentours de 1300m d'altitude, plus ou moins suivant les endroits). Dominent alors pins, sapins, épicéas, et mélèzes; en de rares endroits, on peut trouver des cèdres.
Les pins sylvestres sont les premiers à prendre le pas sur les feuillus. D'une hauteur pouvant atteindre les 40 mètres, leur tronc est fréquemment un peu tordu. Le pin sylvestre aime les zones bien exposées au soleil. L'autre grande variété de pin présente dans les alpes est le pin noir d'Autriche. Il a été largement utilisé dans les campagnes de reboisement, car il pousse vite, résiste au froid et à la sécheresse, se contente d'un sol pauvre et instable qu'il fixe grâce à ses racines. Il demande aussi moins de lumière que le pin sylvestre. Les plus importantes forêts de pins noirs d'Autriche ne se rencontrent pas dans le Mercantour, mais dans les préalpes de Digne.
Le pin noir d'Autriche a un tronc droit et une tête en forme de dôme.

Dans les zones ombragées (ubacs en particulier) poussent sapins et surtout épicéas, dont la physionomie est assez voisine. Pour les distinguer, le critère infaillible est la position des cônes: montante chez le sapin, descendante chez l'épicéa. Egalement, les aiguilles de l'épicéa sont accrochées individuellement, et piquent plus que celles du sapin.

Plus en altitude s'impose le mélèze. Il se reconnaît facilement à ses aiguilles souples, d'un vert pâle; il est aussi le seul à les perdre à l'automne (les autres perdent leurs aiguilles régulièrement toute l'année, à un rythme lent, sans que cela ne se remarque). Entre le 15 octobre et le 15 novembre, les forêts comportant de nombreux mélèzes (Haut Var, Boréon, ..) s'embrasent littéralement de teintes allant du jaune vif aux roux pâle, et le mélange avec quelques autres conifères toujours verts ajoute encore à la beauté du spectacle. Mais attention: il suffit parfois d'une nuit de vent froid pour que les mélèzes perdent l'essentiel de leurs aiguilles, et que la forêt prenne brutalement sa triste apparence hivernale.

A mesure que l'on s'élève, les mélèzes finissent par décliner et on ne trouve essentiellement que des pins cembros et pins à crochets (aux alentours de 2100m; un peu plus à l'adret, un peu moins à l'ubac). Ces derniers arrivent à s'accrocher sur des sols secs, balayés par les vents froids. Il grandissent très lentement, et ne sont jamais très grands; leurs troncs peuvent être très tordus. Le pin cembro a des aiguilles regroupées par cinq, le pin à crochets les possède par paire. Son nom provient de petits crochets à l'extrémité de ses cônes.
Quelquefois, ces pins ne parviennent pas à ressembler à un arbre véritable et s'apparentent plus à un buisson (forme "mugo").

Au dela des zones arborées, on ne rencontre guère que des landes à rhododendrons, des pelouses alpines, puis de plus en plus de rocailles et de plaques permanentes de neiges.

L'humain a beaucoup influencé l'allure des forêts, le plus souvent, par le biais d'un déboisement intensif. Toute la zone autour du Mont Mounier a été ainsi transformée en désert. Souvent, on note l'absence de forêt en adret et sa présence fournie du côté ubac; encore une fois, c'est l'homme qui en est la cause, en dégageant de vastes zones pour cultiver ou faire paître les animaux d'élevage. A la fin du XIXème siècle, d'importantes campagnes de reboisement ont été entreprises. Il s'agissait bien sûr d'améliorer l'esthétique des zones rasées par l'homme, mais aussi de restaurer les terrains de montagnes, afin d'éviter l'appauvrissement des sols et les crues dévastatrices. Même si les forêts de reboisement sont souvent assez élégantes, leur beauté cache mal le peu de diversité des essences présentes. Cette faiblesse dans la biodiversité les rend plus vulnérable aux maladies et aux parasites.

Le Mercantour est riche de milliers d'espèces de fleurs; en tête de la popularité, l'édelweiss et le lis martagon. Pour reconnaître les fleurs, il existe de nombreux guide de poche à emporter avec soi en rando; notamment le Delachaux et Niestlé (beaucoup de fleurs, mais sous forme de dessins), le Nathan "Fleurs des montagnes" (riche et clair, avec 420 photos), ou le Didier Richard (avec photos, moins riche que le Nathan, mais bien adapté aux Alpes).

Lacs

Les lacs apportent beaucoup à la splendeur des massifs montagneux. Miroir du ciel et des montagnes, leur aspect n'est jamais le même suivant le temps qu'il fait, l'heure, et le côté où l'on se trouve. Lorsque vous arrivez à un lac, n'oubliez jamais d'en faire le tour complet ! Son aspect change à mesure que l'on tourne.
La plupart des lacs du Mercantour sont la conséquence des creusements des glaciers; de ce fait, il ne se s'en crée quasiment plus, et les lacs actuels se comblent progressivement (mais assez lentement par rapport à la durée d'une vie humaine, ce qui fait que leur disparition n'est pas imminente).

La présence de la vie dans ses lacs relève du l'exploit; d'une part, il lui a fallu y parvenir, d'autre part, il lui a fallu s'y maintenir, malgré le froid et, souvent, le faible volume d'eau. Les lacs les plus peuplés sont aux alentours de 1800m d'altitude, dans les forêts (souvent appelés "lac vert"); la surface de l'eau n'est gelée (que !) six mois par an. Le lac d'Allos, malgré son altitude de 2230m, tire bien son épingle du jeu grâche à sa grande taille.
La vie des autres lacs rencontre plus de difficultés; parmi ceux-ci, les "lacs de pelouse" (comme Millefonts, Prals), situés à plus de 2100m dans des alpages, ou pire encore, les "lacs froids", à plus de 2400m d'altitude (gelés plus de 8 mois, et dont la surface de l'eau ne dépasse jamais les 9 degrés au plus fort de l'été).
Malgré la rigueur du milieu, la vie parvient à s'accrocher. Tout un équilibre fragile s'est établi à partir du phytoplancton, apporté dans les plumes d'oiseaux. L'hiver, les animaux poikilothermes (improprements appelés "à sang froid"), hors de l'eau, sont menacé de geler et de voir leurs cellules détruites. Deux stratégies sont alors choisies: soit éviter à tout prix de geler (en se déshydratant au maximum, et en sécrétant des antigels); soit geler, mais réussir à y survivre. Les mécanismes employés dans ce dernier cas sont encore mal connus, et font l'objet d'intéressantes recherches scientifiques, avec l'espoir d'applications à la conservation d'organes par le froid.
Dans l'eau des lacs, pas de risque de geler, mais manque cruel d'oxygène et de lumière sous la couche de glace de la surface. Les poissons des lacs de montagne (quand il y en a) sont rarement arrivés seuls; ils ont été introduits par l'homme. Ils parviennent difficilement à survivre, avec une taille inférieure à la normale, bravant le froid l'hiver et les lignes des pêcheurs l'été !

Exploration du Mercantour

Bien qu'étant déjà une zone de haute montagne, le Mercantour est moins impressionnant que les deux autres parcs nationaux, ou que le massif du Mont Blanc. Peu de sommets dépassent les 3000 mètres, le point culminant est le Gélas, à 3143m (le pic de l'Argentera est à 3297m). Les plus hauts sommets du Mercantour n'ont toutefois été vaincus que fort tard, bien après les cimes des Alpes du nord; Victor de Cessole (1859-1941) a accumulé ainsi un grand nombre de premières, en partant le plus souvent de la Madone de Fenestre. Sa découverte de la montagne fut tardive (à 30 ans, sur conseil de son médecin), mais passionnée; il a réalisé un impressionnant programme d'exploration systématique de tous les endroits du massif, rédigeant des topos guides avec ses assistants (en particulier, Vincent Pasquetta, qui est toujours édité) et réalisant des observations scientifiques sur la géologie, la faune et la flore. Son intérêt pour la montagne était quasiment d'ordre mystique; président du Club Alpin Français de 1900 à 1925, il fit construire un certain nombre de refuges, en particulier celui du lac de Rabuons, récemment saccagé (et brûlé) par des inconnus.

Paysages du Mercantour

Il y a divers types de paysages dans le Mercantour: la vallée des Merveilles et la haute Gordolasque sont des domaines très minéraux, sauvages, et austères (ces paysages ont fortement impressionné les habitants de la préhistoire, qui ont laissé un nombre élevé de gravures rupestres, aux significations magico-religieuses; voir aussi les légendes obscurantistes autour de la cime du Diable). Les vallées de la Vésubie ou du Haut Var offrent des paysages plus verdoyants, des forêts et des cascades. Le Boréon est un remarquable domaine, dans lequel la montagne atteint des sommets (c'est le cas de le dire) dans le raffinement de ses formes et la richesse des couleurs: tous les tons de vert, des alpages d'une teinte traditionnelle aux rhododendrons plus foncés, des lichens vert tendre au vert forêt des mélèzes et des pins. La roche elle aussi offre toutes les nuances de gris et de marron, et une remarquable ciselure de ses contours. Si l'on ajoute le bleu du ciel, les taches résiduelles de neige, les lacs et les parterres de fleurs, on comprendra que le Boréon au printemps est un véritable ravissement.

Bibliographie

"Les cols du parc du Mercantour", de Michel Bricola, éditions Glénat
Ouvrage agréable par la qualité de ses photos (mais aucun paysage d'automne, sauf en couverture; pourquoi ?), et intéressant par la qualité de ses textes. Anecdotes originales, comme le passage de Coolidge chez les populations isolées du Haut Var (p104), ou le transport à dos d'homme des lourdes bornes frontières franco-italiennes (p68).

"Les lacs d'Azur", de Richard Wacongne, éditions Glénat
Description d'itinéraires pour découvrir les principaux lacs du Mercantour et plus généralement, des Alpes du Sud. Très belles photos, superbes paysages d'automne (p138 ou p117), jeux avec le soleil (p34, ou p44), avec l'ombre d'une fleur (p36), avec les coloris du ciel (p104). Aussi quelques anecdotes ou légendes (p82, le passage hivernal tragique d'un groupe de troubadours allant du Haut Var en Haute Tinée).

Alpes Magazine, bimestriel. Magazine de valeur sur tous les aspects des Alpes. Egalement "Alpes Loisirs", trimestriel, assez voisin.


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